Tuesday, December 12, 2006

Adnan UCCAN* - Analyse de la position de la Cour de Cassation Turque sur l’Adoption avec une réflexion globale sur la question

*Adnan UCCAN
LLM Sorbonne
Avocat-İstanbul


Analyse de la position de la Cour de Cassation Turque sur l’Adoption avec une réflexion globale sur la question


Adopter, c'est faire d'un enfant que l'on n'a pas conçu et mis au monde son fils ou sa fille, sur le plan affectif, social et juridique. L’adoption a un impact direct sur la filiation et procure à l'enfant et à ses parents adoptifs les mêmes droits et obligations que la filiation par le sang. C'est pourquoi elle est régie par de nombreuses règles toutes codifiées au Code civil et au Code de procédure civile. Les liens entre les parents et leurs enfants adoptifs sont les mêmes que les liens qui existent entre tout parent et son enfant : des liens d'amour, d'espoir, d’affection, de complicité, de soutien et d'éducation. La seule différence concerne le moment et la manière dont ce lien s'est tissé : après une histoire plus ou moins longue vécue sans ses parents adoptifs pour l'enfant, après une attente souvent plus longue qu'une grossesse pour les parents, et par le fait de leur volonté active.
En Turquie, après le tremblement de terre de 1999, le sujet de l’adoption a pris de l’ampleur. Une grande mobilisation pour les orphelins victimes de la catastrophe a été mise en place avec l’aide des familles et des organisations humanitaires entraînant l’élaboration de projets de lois allant jusqu’au changement complet des dispositions du Code Civil Turc en la matière en Janvier 2002.
Le changement rapidement survenu, le système préexistant et son application ont montré quelques défaillances jusque dans la justice.
C’est dans cette optique que nous allons voir la situation actuelle de l’adoption en Turquie et la position de la Cour de Cassation turque rappelant les règles essentielles en vigueur.
Dans son arrêt du 17 Mars 2004, la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation Turque rappelle donc les nouvelles dispositions sur les conditions de l’adoption de l’enfant par un couple selon le nouveau code civil.
Vu les faits de l’arrêt, les époux Çakır ont présenté au Tribunal une requête en adoption du jeune Mert le 26 Avril 2002, placé précédemment par le Directorat d’Aide Social de la ville de Samsun dans leur foyer par un contrat de placement temporaire. Mais le Tribunal d’Instance statua sur l’âge de Mme Meryem Çakır, n’ayant pas encore eu ses trente ans, et donc sur l’irrecevabilité de sa requête. Celle ci resta dans l’obligation de renoncer à sa requête pour autoriser son mari à adopter seul l’enfant. Le Tribunal accepta la requête de M. Çakır. Cette décision n’ayant pas été pourvue en cassation est devenue définitive.
Nous pouvons déduire de ces faits la procédure, le couple a d’abord saisit le Tribunal d’Instance. Ce dernier, au lieu de prononcer son incompétence conformément aux nouvelles dispositions de la loi, trancha et rendu sa décision, procédant à l’adoption de l’enfant par M.Çakır. Puis la Cour de Cassation saisie[1] de l’affaire, par une requête en cassation dans l’intérêt de la loi[2] du Premier Procureur de la République de la Cour de Cassation, cassa à l’unanimité sans annuler la décision du Tribunal d’Instance, le 17 Mars 2004.
En statuant ainsi la Cour de Cassation tranche sur le premier moyen la question de droit, l’incompétence des Tribunaux d’Instance en matière d’adoption et la suppression des anciennes règles de procédure relative à l’adoption, puis sur le second moyen, la mauvaise interprétation de la nouvelle loi quand aux candidats adoptants.
La Cour a conclu que le Tribunal d’ Instance a violé l’article 306 et 307 du code civil pour ce qui est de la condition essentielle d’âge ou de durée du mariage, posée dans le deuxième alinéa de l’article 307 selon lequel « les époux candidats à l’adoption doivent être mariés depuis plus de cinq ans ou âgés l’un et l’autre de plus de trente ans ». Alors que le texte établit deux possibilités pour la qualité des adoptants, le tribunal interpréta ceci comme étant des conditions cumulatives et pas alternatives tout en étant incompétent en la matière.
Pour pouvoir examiner en détail ces dispositions il convient d’abord de voir que l’ancien Code Civil Turc du 4 Octobre 1926 étant la traduction du code Civil Suisse du 10 Décembre 1907 est un étonnant exemple d’une reprise intégrale d’un Code par un autre pays.[3]
Le nouveau Code civil Turc, entré en vigueur le 1 Janvier 2002, énumère dans sa quatrième partie des changements de dispositions concernant l’adoption. Contrairement au texte français prévoyant une distinction entre l’adoption plénière et simple, la loi turque ne faisant pas de différence entre les deux ne parle donc que d’une adoption plénière. L’ancien Code Civil Turc reprenant le texte du Code Civil Suisse a donc été modifié conformément aux changements survenus dans le Code Civil Suisse. Le nouveau code turc assouplissant les conditions de l’adoption quand aux personnes, tout en prenant en compte l’intérêt de l’enfant candidat à l’adoption, supprima l’obligation d’autorisation par le tribunal, requis autrefois pour l’adoption et donna compétence aux Tribunaux de Grande Instance Turc à la place des Tribunaux d’Instance.
Le texte en vigueur vient rompre les règles antérieures en introduisant une mentalité libérale ce qui pourra produire des effets sociologiques importants en conformité avec la mobilisation juridique et sociale internationale.

I) Assouplissement considérable des règles de l’adoption

A) Renouvellement des conditions d’adoption

Le Code Civil Turc fait la première distinction dans l’établissement de la filiation entre la filiation naturelle et contractuelle. Cette quatrième partie du code civil prévoit ainsi la possibilité pour l’établissement d’une filiation par la voie contractuelle.
Le code prévoit dans son article 305[4] une condition essentielle d’accueil et d’éducation du mineur au foyer du ou des adoptants depuis un[5] an.[6] Cette période n’est pas une obligation mais crée le droit du candidat à l’adoption d’adopter l’enfant. L’accueil de l’enfant au domicile n’oblige pas non plus le candidat à l’adoption à adopter. Par ce texte le législateur a voulu empêcher l’adoption d’un enfant n’ayant pas bénéficié d’une assistance affective et éducative du ou des adoptants. Il convient de signaler que comme la filiation n’est pas encore établie pendant les préparatifs à l’adoption, il serait possible d’appliquer certaines règles principales relatives aux contrats pour engager la responsabilité fautive du candidat à l’adoption sur le fondement de l’article 41[7] du Code des Obligations et de l’article 2 du Code Civil[8].

Le deuxième alinéa dispose, tout en conférant une appréciation souveraine au juge en la matière, que l’acte d’adoption soit bénéfique au mineur adopté, que les autres enfants de l’adoptant ne subissent aucun préjudice et que leurs intérêts ne soient pas affectés. Il résulte de cet article une prise en considération de l’intérêt de l’enfant avec une période d’essaie permettant aux parties de mieux se connaître. L’article suivant, 306 [9] du Code Civil, pose la condition d’adoption par un couple que s’il existe un lien de mariage. L’adoption conjointe n’étant autorisée qu’aux couples mariés il est donc interdit par un membre du couple d’adopter seul un enfant. En effet une relation stable et durable des parents est primordiale pour assurer le développement harmonieux de l'enfant. Et donc le couple n’étant pas lié par le mariage ne peut adopter ensemble un enfant.[10]
La condition essentielle d’âge ou de durée du mariage est posée dans le deuxième alinéa du même article selon lequel les époux candidats à l’adoption doivent être mariés depuis plus de cinq ans ou âgés l’un et l’autre de plus de trente ans.
Par exemple, les époux mariés depuis deux ans mais âgés de plus de trente ans, ou âgés de moins de trente ans mais mariés depuis plus de cinq ans, peuvent adopter un enfant.
La loi requiert donc une maturité chez les candidats à l’adoption par l’année du mariage ou par l’âge.
Le troisième alinéa apporte une exception à ce principe en donnant la possibilité à un conjoint d’adopter seul l’enfant de son conjoint. Une condition d’année de mariage de deux ans pour les époux, ou l’âge de plus de trente ans[11] pour le conjoint adoptant, est requise par le législateur. Cette disposition dérogatoire instaurée pour l’adoption de l’enfant du conjoint est destinée à favoriser l’intégration de l’enfant dans son nouveau foyer.
L’article 307[12] du Code civil dispose que l’adoption d’un enfant par une personne seule est permis à toute personne âgée de plus de trente ans.
Le second alinéa de cet article pose la seconde exception à l’adoption par un couple. Si le conjoint âgé de plus de trente ans prouve l’incapacité, l’absence de discernement de son conjoint ou son absence depuis plus de deux ans ou une décision du tribunal sur leur séparation de corps et donc l’incapacité d’une adoption ensemble d’un enfant, il pourra adopter tout seul un enfant. Par de-là nous déduisions que si une personne est mariée depuis plus de cinq ans et qu’elle n’a pas encore ses trente ans peut quand même adopter. Mais il est impératif qu’une personne seule ait plus de trente ans pour adopter.
L’obligation d’un écart d’âge d’au moins dix huit ans avec l’adopté doit être respecté. (Art.308 Code Civil)
L’article 309[13] pose l’obligation du consentement de la mère et du père légitimes et naturels de l’enfant mineur et le deuxième alinéa dispose la forme de l’acte de consentement et le troisième expose la validité du consentement même si les noms des adoptants ne sont pas déterminés ou qu’ils ne sont même pas encore désignés.
Dans l’article 310 du Code Civil, sont prévus des délais pour le consentement des parents naturels, pouvant être donnés qu’à partir des premières six semaines de la naissance de l’enfant et la possibilité de rétractation du consentement à l’adoption étant conférée aux parents naturels dans les six semaines suivant l’acte de consentement.
La rétractation ayant pour effet d’anéantir l’acte de consentement, fait obstacle à l’adoption et si les parents déclarent revenir sur leur rétractation, un nouveau consentement doit être formalisé[14]. La rétractation ne peut être faite qu’une seule fois. L’article suivant[15] prévoit une possibilité d’abstraction du consentement des parents, s’ils sont absents, inconnus, depuis longtemps sans résidence connue ou touchés d’incapacité de discernement en continu. Les parents ne doivent violer leurs obligations de soin envers leurs enfants. Selon la volonté du législateur, l’adoption doit servir le bien de l'enfant, favoriser son plein épanouissement et le développement de sa personnalité, tant du point de vue affectif et intellectuel que physique.[16] La loi donne une compétence souveraine au juge pour l’appréciation de ce manquement il apprécie donc in concreto la situation.

L’autorité compétente reste toujours l’autorité tutélaire du domicile de l’enfant. Pour éclairer un point manquant, il convient de préciser que ces dispositions sont prévues pour les mineurs. Quand aux personnes majeures ou interdites les articles suivants prévoient les conditions, au surplus, les dispositions sur l’adoption des mineurs s’appliquent par analogie. (Art 313 Code Civil).
En effet l’enfant acquiert le statut juridique des ses parents adoptifs et les liens de la filiation antérieurs se rompent sauf à l’égard du conjoint de l’adoptant. (Art 314 Code Civil)[17] L’enfant devient l’héritier légal de son adoptant mais reste toujours l’héritier par le lien de sang de ses parents naturels.La loi turque donne une large compétence au juge pour apprécier les faits en droit et en équité selon l’article 4 [18] du Code Civil.[19]Voyons maintenant comment cette appréciation a été appliquée par la Cour. B) Les éléments fondamentaux de l’arrêt vus par la Cour. La Loi du 1er Janvier 2002 introduisant le nouveau Code Civil confère au juge des pouvoirs accentués dans les dispositions relatives à l’adoption. En effet celui-ci bénéficie d’un pouvoir et d’une obligation d’enquête portant sur toutes les circonstances essentielles avec le concours d’experts. (Art 316 Code Civil). Le législateur prend en compte, ainsi qu’exige l’article 316, « la personnalité et la santé des parents adoptifs et de l’enfant, leur convenance mutuelle, l’aptitude des parents adoptifs à éduquer l’enfant, leur situation économique, leur condition de famille et leur évolution nourricière »[20]. Comme l’adoption est un droit attaché à la personne de l’adoptant le juge examinera la situation des deux parties ensemble. Le juge pourra également s’informer par écrit auprès de l’Institut d’Aide Social et de l’Institut de la Protection des Enfants.Pour compléter ce ci, dans son article 315, le code dispose que l’adoption est prononcée par le Tribunal du lieu du domicile des parents, et dans l’adoption conjointe par le Tribunal du domicile de l’un des époux. « La décision du Tribunal »[21] établit la relation d’adoption et donc la filiation. Qu’en l’état de ces constatations et énonciations, le système d’autorisation préalable de l’ancienne loi est donc supprimé dans le nouveau code. La compétence des Tribunaux d’Instance découlant de l’article 8 alinéa 5 du Code de Procédure Civile turque est donc implicitement abrogée avec l’absence du système d’autorisation dans le nouveau code. Le Tribunal prononce donc la décision de l’adoption. Comme dans le texte du nouveau code les termes « Tribunal » et « juge » sont employés, ainsi les Tribunaux compétents, avec l’entrée en vigueur du nouveau code et la loi réglementant son exécution et sa forme du 3.12.2001, sont devenus les Tribunaux de grande instance, jusqu’à l’instauration des Tribunaux de famille spécialisés dans les cas de l’adoption. La compétence étant d’ordre public, le juge vérifie et doit vérifier d’office la régularité de sa compétence et renvoyer l’affaire devant le Tribunal de famille. La loi sur les Tribunaux de famille est entrée en vigueur en Janvier 2003 mais ces Tribunaux sont entrés en fonction qu’au mois de juillet 2003.[22]Dans une seconde branche, la question de la compétence des Tribunaux nous amène à examiner la compétence des Tribunaux pour les cas ayant débuté avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi et des litiges remontant à une date antérieure à la loi. La Cour, dans une décision du 5 Avril 2004[23], a jugé que l’ouverture de la succession après le décès de l’adoptant au profit de l’héritier adopté en 1969 serait entachée d’irrégularité pour absence d’autorisation préalable d’adoption par le Tribunal d’Instance. La cour cassa la décision du Tribunal d’instance ayant violé le texte (Art 315 Code Civil) en insistant examiner la validité de l’adoption faite en 1969 et la validité de la succession survenue après la nouvelle loi, tout en étant incompétent. Bien que ces modifications ont été faites dans la réglementation nationale, l’adoption a un caractère international ayant nécessité une réglementation par le biais d’une Convention Internationale et des accords bilatéraux entre certains Etats. La Turquie voulant entrer dans ce cercle de dispositions internationales, a ratifié les accords et donc conformé sa législation avec les Etats signataires. II) L’Adoption : Question importante nécessitant une législation internationale et délicate dans sa dimension sociologique. A) Une législation Internationale nécessaire

La Convention de La Haye (signée par la Turquie, ratifiée et entrée en vigueur) sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale concerne l'adoption des enfants mineurs dans un autre pays que celui dans lequel ils sont nés. Cette convention vise à réglementer l'adoption internationale ("pour garantir que les adoptions internationales aient lieu dans l'intérêt supérieur de l'enfant et le respect de ses droits fondamentaux, ainsi que pour prévenir l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants"), ce qui donne lieu à un contrôle mais aussi à une harmonisation des procédures. La convention de La Haye ne fait pas référence à la nationalité des adoptants et des adoptés mais au pays dans lequel vit l’enfant (pays d’origine) et au pays qui va l’accueillir (pays d’accueil). Elle a été signée par 59 Etats (dont la Turquie), qui adaptent progressivement leur législation afin de pouvoir la ratifier, et plusieurs autres Etats y ont par la suite adhéré.
Il existe également au niveau européen une Convention signée par les Etats membres du Conseil de l’Europe.
Le but du Conseil de l'Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres afin, notamment, de favoriser leur progrès social. Et Bien que “l'institution de l'adoption des enfants existe dans la législation de tous les Etats membres du Conseil de l'Europe, il y a dans ces pays des vues divergentes sur les principes qui devraient régir l'adoption, ainsi que des différences quant à la procédure d'adoption et aux effets juridiques de l'adoption, et l'acceptation de principes communs et de pratiques communes en ce qui concerne l'adoption des enfants contribuerait à aplanir les difficultés causées par ces divergences et permettrait en même temps de promouvoir le bien des enfants qui sont adoptés”.[24] La Convention oblige chaque contractant à assurer la conformité de sa législation à ses dispositions. Elle se limite à réglementer l’adoption des enfants mineurs ayant donc moins de 18 ans, ne sont pas ou n’ont pas été mariés et ne sont pas réputés majeur.
Ces conventions ont donc régularisé d’une manière générale les adoptions internationales pour favoriser les échanges et empêcher les réseaux de trafic d’enfants. Ce sujet dispose d’une dimension légale étudiée ci-dessus et également sociale, posant des polémiques sur les habitudes et cultures traditionnelles et religieuses au sein de chaque pays.
Mais la tragédie du tsunami fut l’occasion de rappeler que, même quand les enfants sont en détresse une adoption internationale ne se décide pas à la légère.
B) Un sujet délicat : le droit à l’enfant
L’adoption devient un sujet largement débattu par certains couples notamment les homosexuels et crée une polémique sensible auprès des médias, des établissements de société civile des autorités administratives et des politiques.
Techniquement parlant, plusieurs voies s’offrent aux couples homosexuels, pour qui la filiation naturelle est impossible, afin de créer un lien de filiation :
Le recours à la procréation médicalement assistée avec tiers donneur pour les femmes, mais cette pratique n’est pas autorisée par les lois turques en l’état actuel du droit. Cependant, les lois hollandaises et belges permettent aux femmes seules de recourir aux PMA[25], certaines femmes turques vont donc se faire inséminer aux Pays-Bas ou en Belgique. Les conventions de mère porteuse sont également interdites en Turquie.
L’adoption dont la finalité est d’offrir à un enfant sans famille un cadre familial jugé plus favorable à son développement que les institutions d’accueil. Mais l’adoption est plus qu’une simple prise en charge, elle désigne des parents adoptifs, les termes père et mère étant réservés aux parents biologiques. Dès lors qu’elle est détachée de toute considération biologique, l’adoption peut sans restriction être prononcée en faveur d’une seule personne, disposition codifiée au Code Civil.[26]
En Turquie les autorités refusent quasi systématiquement cet agrément si les célibataires se sont déclarés homosexuels au motif que leur « choix de vie » est contraire à l’intérêt de l’enfant.
L’opinion publique turque serait largement hostile à une telle possibilité.
Les homosexuels désirent essentiellement que soit reconnu juridiquement le lien affectif de celui qui élève l’enfant sans être son parent adoptif ou biologique. En cela, leur situation est semblable à celle des beaux-parents dans les familles recomposées. Mais les législations à l’échelle européenne sont très différentes : aux Pays-Bas l’adoption conjointe par un couple homosexuel est autorisée depuis avril 2001; en Grande Bretagne, le 16 mai 2002, les députés britanniques ont approuvé un amendement qui permettra aux couples non mariés et homosexuels d’adopter un ou plusieurs enfants, la chambre des Lords a voté en ce sens mardi 5 novembre.
En effet trois autres pays d’Europe autorisent l’adoption par les homosexuels : le Danemark, l’Islande et la Suède. La Cour Européenne des Droits de l’Homme vient de se prononcer sur la question de savoir si l’orientation sexuelle est un critère pertinent de ce point de vue, c’est-à-dire si l’homosexualité du parent constitue un danger pour l’évolution de l’enfant. Philippe Fretté, instituteur candidat à l’adoption d’un enfant s’est vu refuser l’agrément par les services sociaux en raison de son « choix de vie » alors même que lui sont reconnues des «qualités humaines et éducatives certaines ». Cette décision a été annulée par le tribunal administratif de Paris en janvier 1995, jugement annulé en appel en octobre 1996 par le Conseil d’Etat. M. Fretté a présenté un recours devant la CEDH fondé sur l’art. 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et l’art.14 (les droits reconnus par la convention doivent être assurés sans discrimination) de la Convention européenne des droits de l’homme. Les juges européens, par 4 voix contre 3, ont choisi de ne pas trancher, comme le leur demandait[27]le représentant de l’Etat français, rappelant que la question divisait fortement les spécialistes de l’enfance et que ce n’était pas à la Cour de se substituer aux Etats et d’imposer une solution unique en Europe. L’arrêt de la CEDH répond sur deux points : elle ne reconnaît pas un « droit à l’adoption » pour les homosexuels. Elle déclare en revanche que le refus de l’agrément était fondé « implicitement et certainement sur la seule orientation sexuelle » du demandeur. La France n’a donc pas été condamnée.
Pour éclaircir ce raisonnement et les différences de cultures entre les pays, évoquons un exemple dans la matière.
Nous pouvons dire qu’en France le juge judiciaire apprécie in concreto la situation quand il a à statuer sur la dévolution de l’autorité parentale au moment de divorce dû à l’homosexualité d’un des conjoints. La jurisprudence montre que le plus souvent l’autorité parentale conjointe est maintenue et que la résidence habituelle de l’enfant est parfois fixée au domicile du parent homosexuel. Cette jurisprudence montre que le juge judiciaire ne conçoit pas l’homosexualité du parent comme constitutive a priori d’un danger pour l’enfant. Certes il s’agit ici du parent biologique et la différence des sexes reste marquée, l’enfant ayant toujours un père et une mère, cependant, dans les faits, il sera amené à vivre avec un couple homosexuel.
Après toutes ces réflexions nous termineront en évoquant que, certaines questions liées à l'adoption défraient régulièrement la chronique sociétale. Longueurs et blocages de l'adoption internationale, procédures d'agrément, revendications des couples homosexuels, suivi des enfants adoptés, etc. De nouveaux outils doivent se mettre en place.
Dans le monde, les réalités sont complexes, ouvertes à des interprétations différentes et évoluent au cours de la vie d’un enfant. Si l’on s’interroge sur le nombre d’enfants privés d’enfance, si l’on évalue le nombre d’enfants orphelins, ceux qui n’ont plus aucun contact avec leur famille, ou seulement un contact épisodique, ceux qui travaillent pour faire vivre leur famille, ceux qui sont recueillis par des structures spécialisées (orphelinats, asiles…) mais aussi tous ceux qui errent dans les rues, sur les routes, qui vivent de la mendicité, du vol, de ce qu’ils trouvent dans les décharges publiques, on se trouve sans doute devant des chiffres horrifiants : plusieurs millions d’enfants, dont un bon nombre meurt, chaque année, faute de nourriture, de soin, mais aussi il faut le dire, ici comme ailleurs, grandit mal faute d’affection.
Tous ne sont cependant pas adoptables : la loi (celles des pays d’origine, celles des pays d’accueil), les coutumes et les habitudes, certaines spécificités de ces enfants (leur âge, leur apparence physique, leurs problèmes de santé, leur forte désocialisation pour certains…) font que beaucoup ne peuvent légalement pas (ou n’ont aucune chance) de trouver une famille ; ils grandiront sans affection, sans repère, sauf pour ceux qui auront la chance de croiser les personnels dévoués de structures d’accueil (trop insuffisantes) pensées pour eux.[28]
Des milliers de personnes quittent chaque année leurs pays à la recherche d’un enfant à adopter. Certains sont aidés par des associations, mais beaucoup partent seuls, car les listes d'attente sont si longues qu'ils préfèrent se débrouiller sur place plutôt que de patienter des années.
Entourés lorsqu'ils entreprennent une démarche d'adoption, les parents se retrouvent en général bien seuls lorsque l'enfant est là et que des difficultés surgissent. Beaucoup sont désemparés face aux problèmes de comportement qu'ils ont, à un moment ou à un autre, à affronter.








[1] Le système Turc du principe du double degré de juridiction n’englobe pas encore Les Cours d’Appel. La Cour de Cassation saisie pour les pourvois tranche comme une Cour d’Appel pour combler le vide juridique. Mais le projet de Loi instaurant Les Cours d’Appel se trouve en discussion au Parlement Turc et devrait être voté en cours d’année 2005.
[2] L’article 427 alinéa 6 du code de procédure civile donne compétence à la Cour de Cassation pour casser les arrêts litigieux relevant de questions de droit d’ordre public sur requête du Premier Procureur de la République sans annuler les effets produits ou sans annuler la décision définitive déjà établie.
[3] Rgdz, İlhan E. Postacıoğlu; l’adoption du Code Civil suisse en Turquie et les points culminants de la réforme en cours. Recueil de discours présentés aux Journées juridiques turco-Suisse 1985, Zurich, 1987, sh. 9.
[4] Article inspiré du code civil Suisse art 264.
[5] Le projet de loi prévoit un délai de 2 ans mais ce fut modifié lors des discussions au Parlement donc il existe une contradiction dans les deux textes
[6] En Suisse, dans le cas d'une adoption conjointe, le délai de deux ans s'applique à chacun des époux; l’adoption n'est dès lors possible que lorsque le lien nourricier a duré deux ans à l'égard de chacun d'eux (HEGNAUER, Berner Kommentar, n. 34 ad art. 264 CC et n. 15 ad art. 264a al. 1 CC).

[7] L’article 41:”Celui qui cause d’une manière illicite, un dommage à autrui, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est tenu de le réparer.
[8] L’article 2 du Code Civil: “Chacun est tenu d’exercer ses droits et d’exécuter ses obligations selon les règles de la bonne foi”
[9] Art 264a Code.Civil.Suisse
[10] De l'interprétation littérale, systématique, historique et téléologique, il résulte que la loi exclut l’adoption conjointe d'un enfant par des concubins, cette institution n’existant pas dans le droit turc.
[11] Code.Civıl Suisse prévoit 35ans.
[12] Inspirée de l’article.264b du Code Civil Suısse.
[13] Inspirée de l’article.265a Code Civil Suısse
[14] Civile.1re,22fev.1998,France
[15] art 265c C.civ. S.
[16] Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile dans la cause Office fédéral de la justice contre I., Y. et X. 5A.16/2002 du 28 mai 2003

[17] Art 267, Code Civil Suısse
[18] En droit turc, Le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation souveraine, conférée par l’art 4 du Code Civil permettant de combler et d’interpréter les règles de droit et d’équité.
Nous pouvons également évoquer l’article 2 du Code Cıvıl, ”chacun est tenu d’exercer ses droits et d’exécuter ses obligations selon les règles de la bonne foi.”.
Cet article est souvent et largement utilisé par les Tribunaux et la Cour de Cassation comme une disposition permettant d’établir le droit et l’équité dans toutes les situations. Mais Le Tribunal Fédéral Suisse ne l’emploi pas dans le même sens et situations.
[19] La loi s'interprète pour elle-même, c'est-à-dire selon sa lettre, son esprit et son but, ainsi que selon les valeurs sur lesquelles elle repose, conformément à la méthode téléologique. Le juge s'appuiera sur la ratio legis, qu'il déterminera non pas d'après ses propres conceptions subjectives, mais à la lumière des intentions du législateur. Le but de l'interprétation est de rendre une décision juste d'un point de vue objectif, compte tenu de la structure normative, et doit aboutir à un résultat satisfaisant fondé sur la ratio legis.
[20] Article 268a. Code Civil Suisse
[21] Cour de Cassation 2nd ch civile 08.04.2002-4383/4910
[22] Aile Mahkemelerinin kuruluş, görev ve yargılama usulleri, Ali Karagülmez, Sezai Ural, Seçkin.
[23] Cour de Cassation 2nd ch Civile,5,5,2004.no:2004/4489
[24] Préambule de la Convention Européenne en Matière d’Adoption des Enfants
[25] Procréation Médicalement Assistée
[26] Les articles 306 et 307, déjà étudiés ci dessus..
[27] Jurisprudence de la CEDH.
[28] Le Courrier International Février 2005